Nathalie Trottier

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Petite Thalie…

Petite Thalie - 8 ans - 1979

Coucou petite Thalie, je suis là pour te rappeler QUI tu es. Tu as la force, le courage, la sagesse et l’intelligence, et bien plus encore.

N’ai pas peur, tu es moi, je suis toi, nous sommes un tout. Prends conscience de ton unicité et proclame ta rareté avec fierté, ceci en toute humilité.

Prends conscience de toutes tes bénédictions, faisant ta force et ta détermination. Prends conscience de ton libre arbitre, utilise-le à bon escient. Prends conscience que tu dois toujours parcourir des kilomètres additionnels, seulement pour ta propre satisfaction personnelle. Prends conscience de ta valeur et de ta dignité, tu es intrinsèquement une belle entité, une forme d’unité.

Prends conscience qu’il n’y a rien de plus important que l’amour de soi. Il est ta pierre angulaire, fortifié il sera ton pilier. Il te guidera vers la délivrance de tous conditionnements sans complaisance. Cet amour te permettra de retrouver ton estime et servira à t’affranchir de toutes servitudes. Pour enfin devenir en toute conscience, l’artisane de ta propre libération et de ton bonheur. Saches que le bonheur réside d’abord et avant tout en nous-même, à toi dans faire une priorité !

Prends conscience petite Thalie, que tu portes en toi une splendeur oubliée. Que tu as dans tes profondeurs une lueur, une connaissance insoupçonnée, dont tu es la seule à détenir la clé, à toi de t’en rappeler. Cette lumière ne demande qu’à être libérée et faire de toi une femme émancipée.

Un jour, tu auras le courage d’affronter l’avenir et la fierté d’y parvenir Malencontreusement, je sais que ton parcours ne sera pas de tout repos. Si tu es d’accord petite Thalie, je te raconte une brève partie de ta vie.

16 ans - 1987

Tu étais à peine âgée de seize ans, lorsque tu as rencontré ton prince charmant. Enfin, c’est ce que tu croyais, qu’il t’aimait. Que tu avais trouvé l’amour, le bon, celui qui vous fait perdre la raison ! On ne t’avais pourtant pas prévenue que l’amour pouvait être un danger. Tout ce que tu voulais toi, c’est d’être aimé ! À cette époque, tu ne savais pas dans quelle galère tu venais de t’embarquer. Tu étais tout simplement subjuguée, amoureuse et naïve. Tu ne pouvais pas présager qu’il t’aimerais de façon maladive !

Au tout début, c’était un vrai conte de fée. Avec lui tu étais prête à tout, inconsciemment jusqu’à t’oublier. Tu t’es livré corps et âme, tu avais confiance en lui. Il te faisait sentir femme, tu étais sa belle-de-nuit. Dans ses bras si fort, tu te sentais en sécurité. Mais tu étais bien loin de te douter que ces mêmes bras, dans quelques années, tenteraient de t’étrangler.

Trop longtemps tapis dans l’ombre, totalement assombrie, tu n’y voyais plus clair. Ayant subi un total décervelage, tu n’arrivais plus à raisonner convenablement. Tu étais devenus sa marionnette dont il maniait les ficelles à sa guise. Tu n’avais plus de pensées propres, tu subissais sans consentir. Tout était toujours ta faute, tu étais constamment en train de t’excuser et de te justifier. Mais monsieur lui, ne se remettait jamais en question, trop occupé à t’humilier.

Tu sais petite Thalie, la violence conjugale a pris naissance très sournoisement dans ta vie. Cette violence si pernicieuse, qui s’est installée tranquillement et qui grandissait de jour en jour. Cette violence qui te manipulait, qui te culpabilisait, qui te faisait perdre ton sens critique, ton individualité, ta personnalité, tu ne savais même plus QUI tu étais ! Tu es devenu complètement effacée jusqu’à avoir l’impression de devenir folle à lier.

C’était la manière utilisée par ton conjoint depuis tant d’années, pour affirmer son pouvoir et s’assurer que tu ne le quitterais jamais.

Photo de Unsplash.com

Pendant de nombreuses années, tu étais envahi quotidiennement par cette peur qui tyrannise et paralyse. Tu te réveillais le matin, encore épuisée de la veille, avec ce noeud dans l’estomac, avec cette impression constante de devenir dingue à force de marcher sur des oeufs. Même avec ton hypervigilance pour éviter toutes nouvelles confrontations, c’était peine perdue, un éternel recommencement.

Et puis est venu ce moment petite Thalie, où tu en as eu vraiment assez. Tu t’es rebellé, tu as pris toute ton courage et tu as frappé sur la table avec tes deux mains et tu lui as crié : AILLE C’EST FINI, j’suis plus capable de t’endurer as-tu compris ?

Mais là, il n’a pas manqué de te le faire payer ! Tout prêt de ta main, juste à côté, il a empoigné un stylo puis BANG… dans ta main il s’est empressé de l’enfoncer. Prise de panique, évidemment tu t’es mise à hurler. Il t’a jeté par terre, s’empressant de te chevaucher pour t’empêcher de crier, du coup, il a commencé à t’étrangler. Là, ce qu’il veut c’est dominer. Il a fini par te lâcher, tu as repris tout juste ton souffle et il t’a crié par la tête : TU VOIS LÀ ce que tu me fais faire, tu l’as bien cherché ! Belle façon de se déculpabiliser !

Il y avait également toutes ces petites phrases assassines qui vous glace le sang, comme : ‘‘ Tu sais que je ne peux pas vivre sans toi, mais moi je sais sans qui tu ne peux pas vivre, si tu pars je vais me tuer avec les enfants ! OU ENCORE : Elles sont où tes chaînes, tu veux partir…ben vas t’en…c’est à toi de voir si t’as envie de faire la une des journaux prochainement !

Tu ne voulais tous simplement pas prendre le risque qu’il mette à exécution ces macabres intentions.

ALORS, TU RESTES, TU T’OUBLIES ET TU SUBIS !

Après avoir vécu l’isolement de ta famille et de tes amis. Après avoir perdu le contrôle de tes économies. Après être allée à plus de HUIT REPRISES en maison d’hébergement d’urgence, chaque fois remplie de culpabilité envers tes enfants, de reculons tu retournais à la maison. Naïvement, tu croyais à ses remords et tu acceptais son pardon. Ce qu’il faut comprendre petite Thalie, c’est que cet homme-là, avait un doctorat en manipulation. Il savait exactement quand allumer son charme et prétendre qu’il était désolé, poussant la note parfois jusqu’à en pleurer. Il était également passé maître en victimisation, savourant à chaque fois ta culpabilité lui suppliant de te pardonner. Pourtant, tu n’avais aucune raison de lui demander pardon. Quelle ironie, c’est ça l’emprise petite Thalie !

Évidemment, je ne peux pas passer sous silence sa perversion narcissique. L’importance de se sentir supérieur aux autres et d’être reconnu comme une personne pleine de qualités et parfaite. L’obsession de toujours vouloir avoir raison, ne supportant pas la moindre remise en question, faisait en sorte qu’un certain climat de tension, régnait perpétuellement dans ta maison.

Tu as été longtemps dans le questionnement, le doute, la dévalorisation totale, la peur et le déni de ce qui s’était réellement passé au cours de ces vingt-cinq ans.

Dans ton isolement, au plus profond de ton désespoir, enseveli par la honte, la peur et la culpabilité, tu as réalisé la gravité de cette relation toxique. Tu as constaté que de ne rien entreprendre perpétue le cycle de la violence, mais également le cycle intérieur de la violence vécue envers toi-même en te rendant responsable par la dévalorisation de ta propre personne. Dur constat, mais combien véridique !

C’est donc le trois juin 2012, que tu as enfin réussi à te choisir. Laissant tout derrière toi, ton ancienne vie et tes acquis, ton entreprise familiale, tes enfants enfin devenus grands. Ça n’a pas été facile, tu avais à peine cent dollars en banque, tu étais complètement détruite et démunie, mais heureusement avec le soutient indéfectible du CAVAC, d’IVAC et des maisons d’hébergements d’urgences et de deuxièmes étapes, tu as pu reprendre le gouvernail de ta vie. Bravo petite Thalie !

Tu as eu la chance d’être épaulée par des intervenantes compétentes. Elles t’ont amené à poursuivre une recherche profonde et intense afin que tu parviennes à accomplir ta transformation. Jamais ces gens ne pourront mesurer la profondeur de ta reconnaissance. Grâce à eux, tu as su faire les changements qui s’imposaient. Ils t’ont aidé à favoriser l’expression de tes émotions, à maîtriser tes angoisses, ils t’ont bien outillé, ce qui t’a permis de cheminer dans le bon sens pour enfin retrouver peu à peu une qualité de vie normale.

Donc, après une longue période de malaise et de mal-être, tu as franchi l’étape de la RENAISSANCE. Comme si un voile s’était défait et qu’un nouveau sens à ta vie était trouvé. Avec du courage et de la détermination, tu as réussi et non sans peine, à mettre fin à ce cycle infernal afin d’être en paix et en harmonie avec toi-même. Tu as inculqué la notion du pardon, car c’est la plus belle des guérisons. Tu as surtout réussi à TE PARDONNER. Ça t’a permis de te libérer de toutes ces émotions négatives pour enfin pouvoir aller de l’avant positivement.

Tu as aussi remarqué que même au plus profond des abîmes, ont peux apprendre à surfer dans le creux de la vague jusqu’à remonter à la surface pour reprendre son souffle, refaire le plein d’énergie et continuer d’avancer sur le chemin de la liberté. Il n’y a RIEN de plus important que l’AMOUR et la LIBERTÉ. L’essence de l’amour EST la liberté. Cette liberté qui n’a pas de prix !

Et puis un jour, tu as eu cette largesse de parler librement de ton cheminement, car malheureusement pour tes enfants, leur père s’est suicidé. Même avec un haut degré de dangerosité, par chance, tu as eu l’avantage que bien d’autres non pas eu, celle d’avoir été épargné !

Pourquoi aujourd’hui petite Thalie je te raconte ton histoire ? C’est simplement en quelque sorte une contribution à un éventuel changement. Je veux que tu saches que tu es beaucoup plus FORTE que tu ne le crois. Et que de cette façon, tu pourras contribuer à apaiser une douleur, à réconforter, à redonner espoir en des jours meilleurs alors tu en sortiras grandi, mission accomplie !

Un jour tu feras un appel à TOUS pour qu’ils soient tes ALLIERS. Tu leurs demanderas de prendre la parole, de prendre position par solidarité, car à bien y penser, nous sommes tous concerné. Nous avons tous dans notre entourage de nombreuses femmes que nous aimons ; nos mères, sœurs, filles, nièces, amies, collègues de travail, cousines ou voisines. Ne fermons plus les yeux !

Tu leurs feras comprendre que chaque personne aux comportements violents était à la source un enfant ! Que nous devons éduquer nos fils pour qu’ils deviennent des gentlemans, éduquer nos filles pour qu’elles n’acceptent aucune forme de violence ! Que nous devons leur apprendre le respect, l’estime, l’affirmation et l’amour de soi !

Tu auras d’ailleurs compris qu’être l’artiste de sa vie, c’est prendre conscience de toutes les possibilités d’y ajouter nos propres couleurs.

Que c’est à travers la découverte des arts, en te reconnectant à ta créativité, que tu es parvenue à te réaliser. Ça t’a permis de reprendre du pouvoir sur ta vie, de retrouver une joie de vivre ainsi qu’une partie d’estime et d’épanouissement personnel. En fait, l’arts fût en quelque sorte ton tuteur de résilience, sorte d’exutoire.

Tu sais quoi ? Tu seras fière de toi, de constater que tu pars de loin, de très loin. Et tu réaliseras que du moment où l’on décide de se choisir et de se prendre en main, on peut arriver à changer de route et à trouver le bon chemin. Pour la première fois petite Thalie, tu te sentiras plus forte, sage et accomplie.

En revanche petite Thalie, je ne veux pas te faire croire que se sera facile, je désire seulement te convaincre que les différentes ressources existantes feront pour toi toute la différence. Grâce à eux, tu auras enfin repris le gouvernail de ta vie et tu pourras contribuer à changer des vies. Et je dirais même plus, à sauver des vies ! Enfin du moins, grâce à eux, tu auras sauvé la tienne !

Alors BRAVO petite Thalie, profites-en pour leur dire MERCI, mission accomplie !

Nathalie Trottier
Conférencière, artiste peintre survivante & experte de vécue à Trajetvi, Université de Montréal.

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